Architecture métallique au XIXème siècle
Télécharger en PDFEmile Zola, qui admirait l’architecture de fer s’en fait le héraut : «Partout on avait gagné de l'espace, l'air et la lumière entraient librement, le public circulait à l'aise, sous le jet hardi des fermes à longue portée; C'était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère faite pour un peuple de clientes (…);Et tout ce fer mettait là, sous la lumière blanche des vitrages, une architecture légère, une dentelle compliquée où passait le jour, la réalisation moderne d'un palais du rêve, d'une Babel entassant des étages, élargissant des salles, ouvrant des échappées sur d'autres étages et d'autres salles à l'infini ».
Le métal commence à être utilisé dans l’architecture et le génie civil dès la fin du XVIIIème siècle. En même temps que progresse la Révolution industrielle, qui permet la production et la commercialisation du fer et de la fonte, le métal est de plus en plus massivement utilisé : l’architecture, dans ses formes et sa pratique, en est profondément transformée.
D’abord employée pour des raisons techniques, l’architecture métallique est utilisée pour les halles, les gares, les ponts, les passages couverts, les grands pavillons des Expositions Universelles et tous bâtiments de transit. La première qualité du fer et de ses dérivés est une bonne résistance au feu. Ainsi, dès 1830, à cause du risque d’incendie qu’implique l’éclairage aux chandelles puis au gaz, tous les combles des théâtres parisiens sont réalisés en fer. Encore, ce matériau est bien plus résistant que le bois ou la pierre. Il permet d’augmenter les portées, ou à portée égale d’alléger, d’ouvrir les bâtiments et y installer de grandes verrières. Une colonne en fonte suffit là où il eut fallu un épais trumeau en maçonnerie.
Le premier pont métallique de Paris, construit entre 1801 et 1804 et dû au premier consul Napoléon Bonaparte, est le Pont des Arts. Un autre exemple des toutes premières architectures métalliques pourrait être celui de la Halle au blé dont la coupole, détruite par un incendie en 1802, voit sa reconstruction confiée à l’architecte François-Joseph Bélanger et à l’ingénieur François Brunet. En 1811, une nouvelle coupole coiffe le bâtiment, réalisée en fer et couverte de feuilles de cuivre, qui seront remplacées en 1838 par des vitres. Fermée en 1873, le bâtiment fut attribué à la Chambre de commerce en 1885 qui le transforma en Bourse de commerce par l’architecte Henri Blondel qui recouvrit l’ensemble du bâtiment en pierre.
La production de métal décuple entre 1820 et 1870, le métal est chaque jour moins cher pour les constructeurs. La fonte, produit brut du haut fourneau, est alors utilisée pour les colonnes et les éléments décoratifs, le fer pour les charpentes et les structures. Ce n’est qu’à partir de 1890 que l’acier est massivement employé, auparavant son utilisation était limitée à la construction mécanique et aux armements. En 1845, la grève des charpentiers parisiens, qui se prolonge pendant plusieurs mois, contribue à accélérer le recours au métal dans l’architecture. Privés de bois, les entrepreneurs utilisent le fer pour achever leurs constructions, et participent ainsi à la vulgarisation d’un matériau qui était jusqu’alors peu utilisé.
Au milieu du siècle, un débat s’élève entre les partisans de l’éclectisme qui paraphrasent les styles passés et les rationalistes qui considèrent le fer comme un matériau nouveau porteur d’innovations. La bibliothèque Sainte-Geneviève dessinée et bâtie en 1844-1851, le Crystal Palace de l’ Exposition Universelle de 1851 à Londres, ou encore l’église St-Eugène dans le 9ème arrondissement de Paris, où de fines colonnes en fonte supportent un réseau de nervures métalliques apparent, contribuent à étayer cette nouvelle architecture portée par Labrouste, Horeau, Boileau et Viollet le Duc.
« Du fer, du fer, rien que du fer ! », voici les fameux mots que le Baron Haussmann , alors préfet de la Seine, adresse à l'architecte Victor Baltard à propos du projet des Halles Centrales. Sur ordre de Napoléon III, Baltard imagine au centre de Paris des halles pour faciliter le commerce, et entre 1850 et 1870, douze pavillons sont bâtis dans de nouveaux matériaux, le fer, la fonte et le verre. Ces bâtiments montrent les diverses possibilités qu’offre le métal, et servent de modèles à de nombreux marchés couverts en France et à l’étranger.
Les Expositions Universelles , vitrines de la modernité du pays, engagent l’État à entreprendre de vastes constructions de prestige et à déployer son excellence dans l’art du métal, « art tout contemporain de fond en comble » où sont supprimés « presque le bois, les matériaux bruts fournis par la terre » comme l’écrit Huysmans au lendemain de l’ Exposition Universelle de 1878 . Pour l’ Exposition Universelle de 1851 à Londres, Joseph Paxton réalise une serre gigantesque de 3 800 tonnes de fonte et 700 tonnes de fer, le Crystal Palace. La clarté, les surfaces modulaire et industrielle font école. Des répliques fleurissent dans le monde, et la Galerie des Machines de l’ Exposition universelle de 1889 lui fait écho. Cette construction métallique, de l’architecte Ferdinand Dutert et de l’ingénieur Victor Contamin, obtient le record mondial de la portée de voûte (420m de long, 115m de large et 45m de haut). Lors de cette même exposition la Tour Eiffel est construite et domine Paris du haut de ses 312m.
A la fin du XIXème siècle, aux États-Unis, l’École de Chicago menée par Louis Sullivan, élabore des formes architecturales autonomes grâce au fer, donnant ainsi naissance au gratte-ciel. Au début du XXème siècle, la construction métallique consomme les deux-tiers de l’acier produit en France, et l’utilisation du fer et de la fonte sont mis à l’honneur par l’Art Nouveau.