Le pare-étincelles
Télécharger en PDFAccessoire indispensable pour prévenir des incendies, le pare-étincelles au fin grillage et à la monture de bronze est typique du Second Empire. Il fait partie des écrans de cheminées, que l’on nomme encore gardes-feu ou pares-feu. Au XIXe siècle, on le recommande inlassablement pour la sécurité des enfants et des dames « dont les vêtements peuvent si facilement s’enflammer ». Protégeant des projections du brasier, il a l’avantage d’être un élégant élément de décoration lorsque le feu est éteint, et permet de contempler le feu de cheminée sans être ébloui. Plus largement, il fait partie des garnitures de cheminées, au même titre que les chenets, pelles et pinces, gardes-cendres, etc.
L’ameublement princier du XVIIIe siècle connaît les écrans de cheminées, châssis de bois tapissés de belles étoffes, mais ceux-ci restent inflammables et cachent le spectacle réconfortant du feu dans l’âtre. Georges Jacob, le plus réputé des menuisiers du Grand Style, en a laissé de beaux exemples, dont l’écran de la chambre de Marie-Antoinette au Petit Trianon.
Au début du XIXe siècle, les écrans tapissés dominent encore, n’étant parfois que de modestes toiles disposées près du poêle comme celle du Coin d’atelier de Delacroix. Le Directoire reprend ce vocabulaire décoratif en y imposant son style plus sévère, comme en témoigne le pare-feu créé par Marcion en 1800 et aujourd'hui conservé au Palais de Compiègne.
Mais le terme de « pare-étincelles » surgit au milieu du XIXe siècle, en plein développement industriel, à propos d’une nouvelle forme d’écrans grillagés. Un inventeur du nom de Delacour fait breveter en 1854 son « écran-store pare-étincelles » en grillage de soie déroulant, s’adaptant à toutes les cheminées. Il obtient une médaille d’honneur pour cette invention en 1855, et fournit l’Empereur Napoléon III. Cet événement semble ouvrir un nouveau marché et créé une émulation d’inventivité autour du pare-étincelles.
D’un côté, le pare-étincelles fonctionnel, simple gaze de fer ou tôle perforée, se répand dans les bâtiments publics, notamment les bureaux administratifs et les écoles, dans la décennie de 1870.
De l’autre, des modèles décoratifs de pare-étincelles rivalisent de luxe pour séduire la clientèle et remplacer les écrans tapissés. En 1862, Jules Vuigner, artisan bronzier, dépose un brevet de « genre de garde-feu pare-étincelles mobile », tandis qu’à l’ Exposition Universelle de 1867 , le fabriquant Desbordes expose ses luxueuses garnitures de foyers en bronze doré , bronze verni et cuivre poli.
Les hôtels particuliers se dotent désormais de pare-étincelles modernes en bronze ou en cuivre, dont les styles évoquent le faste des règnes de Louis XV et Louis XVI. En éventail ou aux contours baroques, ils sont nombreux à présenter des ornements tels que branchages ou attributs de l’amour. L’Hôtel de Pontalba sur le faubourg Saint-Honoré, servant aujourd’hui à l’ambassade des États-Unis, détenait avant 1876 un « pare-étincelles en bronze doré et découpé à jour ». De semblables objets garnissaient avant 1877 l’hôtel particulier de Cora Pearl rue de Chaillot, célèbre demi-mondaine proche de Louis-Napoléon Bonaparte et du duc de Morny.
Le pare-étincelle n’échappe pas aux expériences esthétiques de l’ Art Nouveau dans l’esprit de Sérurier-Bovy, ce qui témoigne de son importance dans les intérieurs modernes.
Bibliographie
Patents :
Catalogue des brevets d'invention, Paris, J. Tremblay, 1854, brevet du 10 décembre 1854.
Almanach impérial (...) présenté à Leurs Majestés, Paris, Guyot et Scribe, 1858.
Bulletin des lois de la République française, 1864, p. 199
Public equipment in « pare-étincelles » :
Ernest Bosc, Encyclopédie générale de l'architecte-ingénieur. Traité complet théorique et pratique du chauffage et de la ventilation des habitations particulières et des édifices publics, Paris, Morel, 1875.
Alexis Pothuau, Règlement sur l'ameublement des bureaux et postes divers des établissements de la marine, Paris, E Lacroix, 1878.
Sales displaying gilded bronze pare-étincelles firescreens between 1876 and 1911 :
Riff, Horsin Déon, Catalogue du riche mobilier et des objets d'art garnissant l'hôtel de Pontalba, vente 14-16 juin 1876.
Charles Mannheim, Catalogue des mobilier, argenterie, objets d'art et tableaux garnissant l'hôtel de Mlle Cora Pearl, vente 24-25 mai 1877.
Vignères, Estampes anciennes et modernes, chromolithographies, etc., vente 1er juin 1878.
E. Féral, Catalogue des tableaux anciens et modernes, objets d'art, (...) garnissant l'hôtel de feu M. Martin Coster, vente 10 mai 1880.
B. Lasquin, Beau mobilier, bronzes d'art de Bardedienne, émaux cloisonnés (…), vente 1892.
Charles Mannheim, Objets d'art et de curiosité, porcelaines et faïences (…), vente 1892.
A. Bloche, Catalogue d'un beau mobilier époques et styles Renaissance et XVIIIe siècle, bronzes d'art et d'ameublement (…), vente 1895.
Charles Mannheim, Catalogue des objets d'art et d'ameublement, porcelaines de Chine, objets variés (...) appartenant à monsieur le comte de S. R., vente 1911.