Style Néo-Gothique / Ref.10510
Alfred de NIEUWERKERKE (1811-1892) - Mort de Monseigneur le Duc de Clarence, modèle de 1838, Garniture de cheminée avec pendule et paire de candélabres en bronze argenté
Dimensions
Largeur 114cm
Hauteur 75cm
Profondeur : 24cm
Époque et provenance:
France, 1840-1850.
Signé « Cte de Nieuwerkerke » et « De Beaumont ».
Statut:
En très bon état
Cette scène de bataille au XVe siècle, le Combat du duc de Clarence, a été sculptée par le jeune comte Alfred Émile de Nieuwerkerke (1811-1892), alors âgé de 27 ans, en 1838. Émile de Nieuwerkerke est plus connu pour avoir été Directeur général des Musées à partir de 1849, et sans doute l’homme le plus influent sur la politique culturelle en France jusqu’à la fin de l’Empire.
La ferveur de Nieuwerkerke pour l’art a en réalité commencé lorsqu’il se passionne, à l’âge de 23 ans, pour la sculpture et prend des cours auprès du grand James Pradier. Ses relations lui permettent de réaliser des commandes officielles, notamment les bustes de l’Impératrice Eugénie et de Louis-Napoléon Bonaparte.
Le comte de Nieuwerkerke se fait remarquer précisément avec l’exposition de La Mort du duc de Clarence, pour la maîtrise du dynamisme et de l’équilibre de son groupe. Une de ses réalisations les plus célèbres, il s’agit de l’œuvre qui a véritablement lancé sa carrière.
En pleine vogue Romantique, le monde de l’art admire cette œuvre Troubadour qui nous conte un épisode historique de la guerre de Cent Ans. Le jeune Nieuwerkerke collectionne les armures et armes, et a lu pour réaliser cette œuvre une chronique du Moyen-Âge, possiblement la Chronique d’Anjou et du Maine de Jehan de Bourdigné (1547). Il en adapte ainsi le texte, ciselé sur le socle de sa sculpture, en préservant surtout le charme pittoresque du vieux français :
« come le dict Duc eut entendu l’assemblée des dicts François au lieu de Beaugé et qu’ils se tenoient/ sur leur pas déliberez de le combattre il qui étoit assys au disner se leva incontinent comme tout/ couroucé a leur aller courir sus n’y pensant etre a heure si se mit a la voye a grant Baronie sans voul/ oir aucun gens de pied a faire la détrousse ainsi come il cuydoit mais autrement il en alla come verez/ A l’aborder des Francois fut le dict Duc Thomas le premier que dérangea de la part des Anglois / et contre lui s’adressa Messire Garin Seigneur de Fontaine un moult bon Chevalier du/ pays d’Amon et de grande impétuosité porta le dict Duc de Clarence a terre qui/ oncques puis n’en revela. Et des Anglais y mourut force gens de bien./ Fut icelle déconfiture en l’an de notre Seigneur que l’on disoit M.C.C.C.C.X.X./ et moult fut dolente aux Anglois et gros réconfort a Monseigneur le Dauphin »
On pourrait traduire ce texte ainsi : « Comme le Duc était assis au dîner, il entendit que les troupes françaises étaient à Baugé et qu’ils se tenaient délibérément prêts à le combattre. Il se leva alors sur le champs, décidé à partir les affronter au plus vite. Craignant être retardé en conduisant des guerriers, ne voulant pas de fantassins pour piller les corps comme il se doit, il s’en alla. Ledit Duc Thomas fut le premier des Anglais à partir à l’assaut des Français, et contre lui s’élança Messire Garin, Seigneur de Fontaine, un très bon chevalier du pays d’Amon, d’une grande impétuosité. Il porta le Duc de Clarence à terre, et ce dernier ne s’en releva jamais. Du côté Anglais de nombreux valeureux tombèrent à ce combat. Telle fut la déconfiture de l’an de notre Seigneur 1420, qui fut très douloureuse aux Anglais et un grand réconfort à Monseigneur le Dauphin. »
Le duc de Clarence, de son nom Thomas de Lancastre, n’est autre que le fils d'Henri IV, roi d’Angleterre. Il est reconnaissable par la couronne qui somme son heaume, et par les armes de la maison Lancastre que Nieuwerkerke a finement ciselé sur la parure du cheval. Sa lance s’est brisée et la moitié gît à terre. Son cheval s’est cabré, déjà ses jambes ont décollé de la selle : il est sur le point d’être désarçonné.
Thomas de Lancastre était venu prêter main forte à son frère pour conquérir la Normandie entre 1417 et 1419, puis avait continué vers l’Anjou, afin de reconquérir la terre de son ancêtre Geoffroy d’Anjou.
En 1421, il est pris en embuscade par les troupes de Charles VII, le dauphin de la couronne de France, et serait mort de la main du Chevalier Garin de Fontaine.
Garin de Fontaine arbore ici les lions de l’Anjou sur son bouclier, et donne de son corps la ligne oblique et dynamique qui crée toute l’énergie de cette sculpture. Son cheval semble en suspension dans son élan, Nieuwerkeke a réussi dans ce groupe un équilibre aérien en dissimulant au regard les points d’appuis de la sculpture.
Nieuwerkerke prête une attention particulière aux armoiries. Sur le socle se trouve l’écu des Lancastre, armes de la maison royale d’Angleterre « de gueules, à trois léopards d'or (armés et lampassés d'azur) », qui furent d’abord celles de Richard Cœur de Lion. Garin de Fontaine, en revanche, n’a pas d’armes connues, et Nieuwerkerke lui prête ici les trois lions couronnés de l’Anjou, région où se déroule la bataille. La correspondance entre les lions d’Anjou et les léopards d’Angleterre forme sans doute un clin d’œil historique qui démontre la passion du sculpteur pour le Moyen-Âge, car il savait certainement que Geoffroy d’Anjou était l’ancêtre des Rois d’Angleterre.
Exposée la première fois en 1838, cette œuvre est intégrée sans tarder, dès 1839, au catalogue de la plus ancienne fonderie d’art de Paris, la Maison Susse. Nieuwerkerke est alors le premier sculpteur a apposer sa signature à l’édition de ses bronzes, ce qui constitue une véritable innovation.
Ayant un grand retentissement, la fonderie a édité ce modèle jusqu’en 1875. De menues variantes dans le modèle sont connues selon les éditions, notamment celle de 1858 où le Duc ne porte pas de couronne.
Le groupe que nous vous présentons ici comporte des personnages fondus d’après le modèle de 1838 dont plusieurs éditions sont conservés par les plus grands musées, dont The Royal Collection d’Osborn House, Le Rijksmuseum d’Amsterdam et le Château de Blois.
La Maison Susse proposait les bronzes d’art de son catalogue montés sur socles simples et sur socles à pendules, ainsi que des candélabres assortis vendus séparément. Ici, nous avons une pendule et deux candélabres originaux de la Maison Susse, dont les modèles étaient proposés au catalogue. Le socle accueille donc une pendule et un décor d’ogives trilobées et de feuillages évoquant l’architecture gothique. La statuette exposée en 1838 par Nieuwerkerke reposait sur un socle sans pendule gravé du même texte d’un côté et de l’autre ; ici, il l’a adapté afin que celui-ci apparaisse de part et d’autre du cadran de l'horloge.
Les deux candélabres, enfin, sont des modèles de Charles Edouard de Beaumont, sculpteur passionné du Moyen-Âge, qui légua sa collection d’objets médiévaux au Musée national du Moyen-Âge de Cluny. Bien que de Beaumont soit mieux connu comme aquarelliste et illustrateur, – il illustre notamment Notre-Dame de Paris pour l’édition de 1844 – le catalogue de la Maison Susse proposait plusieurs modèles signés de sa main.
Dimensions du groupe central : H. 55 cm x L. 66 cm. x P. 21 cm
Dimensions des candélabres : H. 75 cm. x L. 24 cm. x P. 24 cm.
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