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Style Romantisme / Ref.11386

Christophe FRATIN (1801-1864), Taureau à la grenouille

Dimensions
Largeur 47cm
Hauteur 23cm
Profondeur : 26cm

Époque et provenance:
France, XIXe siècle

Statut:
Belle patine.

Entre 1839 et 1849 (?)
Chef-modèle en bronze patiné, socle en marbre Rouge Griotte
Signé « Fratin » et gravure indiquant le fondeur « Fonderie de L. Richard Eyck et Durand » sur la terrasse
Dimensions : L. 47 cm / 18’’ 1/2 ; H. 23 cm / 9’’ 1/16 ; P. 26 cm / 10’’ 1/4
REF. 11386

Cette sculpture en bronze fut réalisée au XIXe siècle par le sculpteur animalier Christophe Fratin. Elle représente un taureau en mouvement, en train de chasser de sa queue une petite grenouille posée sur son dos ; un second amphibien est présent sur la terrasse.

Tout le talent de sculpteur animalier de Fratin est perceptible dans cette sculpture. En effet, l’artiste a su représenter l’aspect imposant de la musculature du taureau, notamment au niveau des cuisses et du cou. Son ossature est représentée avec beaucoup de réalisme : la position de l’animal fait ressortir les côtes de son flanc gauche, sa colonne vertébrale et ses articulations, particulièrement saillantes.

L’une des caractéristiques de Fratin est son traitement très particulier du pelage des animaux. Les poils sont, en effet, rendus par les détails de la ciselure ; les cornes, lisses et bien proportionnées, participent du réalisme de la tête de l’animal auquel de lourdes paupières et un mufle important apportent de l’expressivité. Sa mâche inférieure est particulièrement travaillée et l’artiste a pris le soin de laisser dépasser la langue de l’animal ; les plis de sa gorge et de son poitrail sont tout à fait convaincants, à l’instar de sa queue, finement sculptée en un mouvement circulaire.

Fratin démontre toute sa maîtrise et sa dextérité dans un travail de sculpture très précis mais il fait également preuve d’un grand talent dans le rendu des volumes et du mouvement. S’il semble encore jeune, le taureau est massif, il paraît particulièrement lourd et ses imposants sabots s’enfoncent dans la fange. La terrasse est, elle aussi, sculptée avec soin, de sorte que l’animal ne repose pas sur un simple sol en terre mais sur une surface boueuse, aqueuse, qui semble l’éclabousser ; Fratin a d’ailleurs pris le soin de relier certains éléments de la terrasse aux pattes de l’animal (notamment à sa patte avant gauche) afin d’accentuer cet effet d’éclaboussures. Son aspect imposant est contrebalancé par la minuscule grenouille qu’il porte sur le dos ; un deuxième amphibien, situé à proximité de ses sabots, est encore plus petite et semble bien fragile ainsi placé entre les deux pattes arrières de l’animal.

Si cette sculpture comporte d’aussi nombreux détails (dont certains sont particulièrement saillants), c’est en raison de sa vocation première : il s’agit du chef-modèle, matrice réutilisable permettant ensuite de produire des épreuves commercialisées. Les détails perdant un peu de leur qualité lors des surmoulages, le chef-modèle est sculpté en conséquence. Quand la pièce n’est pas coulée d’un jet, ce qui est le cas de notre sculpture, elle est démontable, ainsi qu’en témoignent les clefs permettant de relier les différentes parties du taureau. La belle qualité de la patine brune est également à souligner.

Après la révolution de 1848, le ralentissement du marché de l’art contraint Fratin à se tourner vers les ventes aux enchères pour disperser ses œuvres, le plus souvent avec les droits d'édition, procédé extrêmement rare pour les sculpteurs du XIXe siècle. Notre sculpture a été remontée avec des clefs qui ont été ajoutées en vue de la vente. A ce jour, nous ne connaissons aucun tirage effectué à partir de ce chef-modèle, ce qui rend l’œuvre unique. Dans le catalogue de l’une de ces ventes (celle de juillet 1849), il est fait mention d’un « Taureau à la grenouille », ce qui nous permet de dater notre sculpture d’avant 1849.


Christophe Fratin (1801 – 1864)

Né à Metz d’un père cordonnier et naturaliste, Fratin côtoie dans sa région natale les animaux de la forêt, d’abord vivants puis naturalisés. Il fréquente l'école de dessin de la ville, où il obtient plusieurs prix. Il s'établit par la suite à Paris en 1821 et devient l'élève de Carle Vernet et de Géricault. Il y fréquente également la Ménagerie royale du Jardin des plantes, où il observe avec attention les animaux dans l’objectif de les restituer avec une grande fidélité dans ses groupes sculptés. Il expose pour la première fois au Salon de 1831. Ses sculptures connaissent un grand succès au cours de la décennie de 1830, réussite qu’il doit notamment aux longues heures passées à étudier l’anatomie des animaux. C'est ainsi qu'il se place au premier rang des sculpteurs de l'école animalière française avec Auguste Caïn (1821-1894), François Pompon (1855-1933) ou encore Antoine-Louis Barye (1796-1875). Ce dernier avait créé la sensation au cours du Salon de 1831 avec son Tigre dévorant un gavial. Ce courant naturaliste sera très apprécié tout au long du XIXe siècle.

Lors des expositions, les commentateurs soulignent le caractère novateur des œuvres de Fratin qui est l’un des premiers à s'essayer à la sculpture animalière, alors encore à ses débuts. Il participe régulièrement au Salon où il reçoit des commentaires élogieux de la part de ses contemporains, en dépit de sa concurrence avec Antoine-Louis Barye. Ses nombreux Ours dansant, ou ses abondantes représentations de chevaux et d'animaux divers réalisant des actions humaines inscrivent Christophe Fratin dans le courant romantique qui recherche l'exotisme, le fantastique et le ravissement. Il faut également souligner le grand sens de l'humour qui caractérise ses œuvres et qui transparaît dans un fourmillement de détails pittoresques. C'est cet aspect de son travail qui le différencie le plus de son rival Barye reconnu pour son traitement plus tragique et plus violent du monde animal.

Ses succès répétés aux Salons de 1834, 1835 et 1836 suscitent l’intérêt de l’aristocratie. Fratin répond à de nombreuses commandes françaises et internationales, privées (notamment la décoration du château de Dampierre pour le duc de Luynes ou celle du château de lord Powerscourt en Angleterre) mais également publiques avec, par exemple, la commande d'un Lion dévorant un cheval par le Ministère de l'Intérieur en 1851 et d'un fronton sur le thème de la chasse pour la cour Visconti au Louvre en 1855. Il connaît un grand succès en Angleterre qu'il visite de 1833 à 1834 et réalise d’importants groupes romantiques en Allemagne, à Potsdam aux châteaux de Sans-Souci et de Babelsberg où certains sont encore conservés ; ses œuvres seront mêmes exportées en Amérique et jusqu'à Saint-Pétersbourg pour répondre aux commandes de l'Empereur Nicolas Ier.

Vers 1835, Fratin commence à éditer des bronzes, il fut d’ailleurs l’un des premiers à se lancer dans la sculpture d’édition en utilisant la technique de la fonte au sable et en réalisant des modèles de différentes dimensions. La résistance du matériau et la finesse de reproduction autorisée assurent le succès de cette technique. Ses éditions de bronze, notamment de groupes animaliers, lui permettent une diffusion à large échelle de ses modèles. Fratin comprend très tôt tout l’intérêt de l’édition lui permettant de s’assurer des revenus plus réguliers. Associé avec des fondeurs tels que Daubrée, Soyer et Ingé ou Quesnel, il présente au Salon des groupes portant sa signature et le cachet du fondeur. Il ne choisit donc pas, à l’inverse de ce que veut la tradition, de présenter des modèles en plâtre en vue d’éventuelles commandes, le petit format de ses éditions s’adaptant parfaitement aux intérieurs bourgeois. Ces sujets sont présentés à la vente dans divers magasins dont celui de la Maison Susse. Il convient en effet de souligner que Fratin réalise ces sculptures à l’époque où la bourgeoisie prend une place de plus en plus importante dans la société : animée d'un désir de légitimation vis-à-vis des plus hautes sphères sociales, cette classe sociale veille à décorer son intérieur de meubles et d'objets témoignant de son « bon goût », de sa sensibilité à la création artistique et de son souci de développer les techniques industrielles appliquées à l'art.

On trouve des œuvres de Christophe Fratin dans de nombreuses collections publiques : au musée du Louvre, à Metz, Lyon, Nîmes ou encore à la Wallace Collection de Londres.


La fonderie de L. Richard Eyck et Durand

Une gravure mentionnant le nom du fondeur (« Fonderie de L. Richard Eyck et Durand ») est visible sur la terrasse. Louis Richard, né d’un père fondeur à Paris en 1791, travaille d’abord avec son frère et sont repérés par Barye et David d’Angers. La fonderie « Richard frères » devient spécialiste de l’édition d’art au sable en grandes séries. En 1821, Louis Richard s’associe au ciseleur Quesnel (son frère se consacrant uniquement, pour sa part, à la fonte d’orfèvrerie) ; ils éditent alors des statuettes en série d’auteurs contemporains et connaissent le succès. Ils produisent des sujets en bronze, des pendules, des médailles ou encore des instruments d’optique. Ils se séparent finalement vers 1836.

Quesnel, homme inventif et à l’esprit aventureux, travaille un temps avec Christophe Fratin mais se retourne contre celui-ci lors de sa première faillite en 1839. De son côté, après s’être séparé de Quesnel, Louis Richard décide, en 1839, de s’associer au mouleur en bronze Pierre Durand et au ciseleur Jean Georges Eck, sans doute à l’occasion de la commande qui leur est passée pour les portes de l’Église de la Madeleine. Ces trois hommes talentueux connaissent une réussite considérable et acquièrent une réputation internationale. Louis Richard quitte finalement l’entreprise en 1843, ce qui nous permet de dater notre sculpture d’entre 1839 et 1849.

La fonderie Richard, Eck et Durand, puis Eck et Durand a produit un grand nombre d’œuvres, notamment des bronzes pour David d’Angers, le Louis XIII à l’âge de seize ans, de Rude, en argent, pour le château de Dampierre (Fratin a également participé à la décoration de celui-ci), le Molière de Bernard Seurre pour la fontaine Molière à Paris, les dragons de la fontaine Saint-Michel par Jacquemart ou encore le Cheval de Fratin à Metz qui fut présenté au Salon des artistes français de 1850.

En 1863, au moment du décès de Jean Georges Eck, Durand se retire à son tour. Les ateliers sont vendus et de nombreux modèles sont rachetés par Victor Thiébaut.


Bibliographie :

- Kjellberg, Pierre, Les bronzes du XIXe siècle, Dictionnaire des sculptures, Paris, Les éditions de l'amateur, 1987.
- Lami, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l'École française au dix-neuvième siècle, t.II, Paris, 1916 (Klaus reprint, 1970).
- Bongon, Jacqueline, Le sculpteur animalier Christophe Fratin, Essai sur sa vie et son œuvre, Le Raincy [sans indication d'éditeur], 1983.
- Poletti, Michel ; Richarme, Alain, Inventaire des oeuvres de Fratin, Paris, Editions Univers du bronze, 2000.

Prix: sur demande

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