Edmond est le deuxième enfant du soyeux Antoine Tapissier et de Benoite-Angélique Towex-Comte. Antoine Tapissier resté veuf placera ses fils au Collège des Chartreux à Lyon.
En 1879, Edmond a 18 ans, c’est un jeune homme très cultivé, et élégant, qui cherche son orientation. Il commence par suivre quelques cours chez le peintre Chatigny qui fut l’élève de Picot et de Chenavard. Chatigny avait connu Ingres, était l’ami de d’Henner, de Bertrand, de Courbet et de Manet.

A l’été 1893, Tapissier part dans le midi et réalisera les études des tableaux Sapho, Les jeunes filles de Lesbos et Les Sirènes. C’est grâce à ce dernier tableau que Tapissier connaît le vrai succès au salon des Artistes français en 1896. De cette époque date également Le songe d’une nuit d’été.

Il rapporte en 1919 de nombreuses aquarelles d’un voyage en Italie, en Grèce et au Proche-Orient en compagnie de Charles Fouqueray et d’Auguste Matisse qui montreront ses nouvelles inspirations. Ces peintres se situent alors à mi-chemin entre les solidités de l’ordonnance classique et les libertés impressionnistes. En même temps il crée de nombreux cartons d’une extraordinaire qualité qui seront tissés aux Gobelins, à Aubusson, et Beauvais telle que La Fontaine de Jouvence, grand projet de carton de tapisserie pour les Gobelins.

En 1932, a lieu une grande exposition de ses tableaux à la Galerie Ecalle, rue du Faubourg Saint-Honoré. Les critiques sont très bonnes ; « C’est la lumière et ses vibrations que s’appliquent à traduire Monsieur Tapissier. » Tapissier regarde la nature avec des yeux d’impressionniste. Certes, il n’a pas oublié les leçons de l’École, il en a retenu d’habiles méthodes et mises en pages mais son interprétation n’en demeure pas moins fort libre et : « certaines de ses toiles où rayonne ardemment le soleil, sont de séduisantes réussites. »

Extrait du journal d’Edmond Tapissier où il explique d’où vient son inspiration : « Toujours assez mal en point, je ne sais pas qui me conseilla d’aller dans le midi, à Carqueiranne. Il connaissait le coin, tranquille, peu fréquenté, séjour à souhait pour un peintre. J’y parti avec ma boite de peinture et quelques toiles et m’y trouvai bien. Une petite auberge au bord de la mer. J’y mangeai surtout de la cuisine du midi, poisson grillé, bouillabaisse, courgettes et aubergines. Les barques apportaient le poisson devant l’auberge et on pouvait choisir. Je me levai de grand matin et je peignais des coins de mer avec des pins maritimes, études très poussées. Déjeuner à midi et sieste jusqu'à 4 heures. Et la vie active reprenait. Je retournais à mes pins, je travaillais assez tard au bord de la mer sur une petite terrasse, d’où l’on voyait se coucher le soleil. Un soir, la mer était rose d’or, des enfants nus ou à peu près s’ébattaient sur la rive. Leur petit corps et les branches de pin auxquels ils sont mêlés s’enlèvent sur l’eau éclatante de couleurs lumineuses. Je notais tout cela sur une petite toile avec quelques touches de couleur et voilà l’origine de mon panneau « Les sirènes ». J’avais enfin trouvé une note personnelle ».

Les Sirènes firent sensation au Salon de 1896 mais le tableau ne recueillit pas que des éloges. Dans tous les cas cela témoigne du fait que l’artiste avait trouvé une note personnelle, un style dans lequel, pour la première fois, se font jour les caractéristiques de son talent : rigueur du dessin, idéalisation des formes, éclat des couleurs audacieusement assemblées et goût des grandes compositions. Si la pureté du dessin de trois nus rappelle un peu le graphisme de Puvis de Chavannes, il faut noter que la chaleur de ces corps dorés ne se retrouve pas dans le travail de ce dernier.

Il nous est ainsi permis de considérer ce tableau comme le chef-d’œuvre de Tapissier. L’extraordinaire format de cette toile est rare dans l’œuvre peinte de Tapissier, seulement un autre tableau de cette dimension est connu «Titania ou le songe d’une nuit d’été » peint en 1898 et mesurant 3 mètres sur 4.55 mètres. La date d’exécution des Sirènes correspond à la meilleure période de création de Tapissier ; il s’est en effet détaché de la forte influence impressionniste qui caractérise ses premières années de production, il avait également adapté l’excellente mais trop puissante éducation académique pour se révéler pendant quelques années un coloriste puissant d’une grande sensibilité à la lumière en s’appuyant sur un dessin fort, sur et précis.