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Le thème du jugement de Pâris a été l’un des plus importants de l’histoire de l’art, aussi bien apprécié des élites qui y voient un sens philosophique profond, que du peuple touché par l’universalisme de son message.

Dans des temps immémoriaux, Pâris, jeune prince de Troie, arbitra une querelle entre la déesse-mère Héra, la déesse de la guerre Athéna, et celle de l’amour, Aphrodite. Les trois déesses se disputaient une pomme d’or devant revenir « à la plus belle », pomme lancée par Éris, déesse de la discorde, pour les punir. Chacune fit une offre à Pâris pour incliner son jugement : Héra offrit la domination de l’Asie et la richesse, Athéna promit la victoire au combat, mais aussi la beauté et la sagesse ; quant à Aphrodite, elle lui fit miroiter Hélène, la plus belle des mortelles. Le jugement de Pâris représente ce moment fatidique où c’est l’amour qui dirige l’action du mortel, et lui fait préférer Aphrodite. Sous le pouvoir de cette dernière, Hélène, mariée au roi de Spartes Ménélas, tombe amoureuse de Pâris et s’enfuit avec lui : c’est le déclencheur de la Guerre de Troie, terrible conflit décrit dans l’Illiade et l’Odyssée.

L’amour, dans son pouvoir quasi tout-puissant, à la fois merveilleux et terrible, est donc le sujet de cet épisode mythique. Placé au tout commencement du cycle troyen, il a une importance philosophique primordiale, considérant l’amour comme la force motrice du monde lui-même.

Mythe fixé au VIe siècle avant notre ère dans les Chants cypriens, l’histoire était cependant déjà ancienne, issue d’une culture orale. La puissance de l’amour, moteur des actes les plus fous, des jalousies les plus terribles et des plus beaux rêves, est un thème immémorial qui n’a cessé de resurgir dans la littérature : Pâris et Hélène sont l’archétype des amants maudits que seront Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, et tant d’autres. Le reste du mythe comporte d’autres archétypes, notamment la vexation primordiale d’Éris, sans qui l’histoire n’aurait pas eu lieu. En jetant la pomme de la discorde entre les mains des trois déesses, Éris se vengeait de ne pas avoir été invitée à un banquet sur l’Olympe…on reconnaît en cette jalouse déesse la vilaine fée qui maudira la Belle au Bois dormant.

Dans les arts, le jugement de Pâris a un immense succès. Il s’agit d’un des thèmes les plus récurrents de la peinture sur vase, attestant de son importance dans la culture antique. A la fin du Moyen-Âge, le XVe siècle redécouvre ce thème, donnant à voir de charmantes versions où les déesses sont généralement vêtues à la mode gothique internationale. Mais c’est surtout la Renaissance qui revisite le thème et lui rend une importance primordiale. Le XVIe siècle connaît en effet une explosion du thème, sous l’influence de nouvelles doctrines. Le néoplatonisme, courant philosophique axé sur une mystique d’Éros, se répand alors largement dans la Renaissance italienne, notamment sous l’influence des Médicis. Le jugement de Pâris est en effet révélateur du pouvoir d’Éros, et représente pour les hommes de la Renaissance un mystère compris dans l’antiquité qu’il s’agit de se réapproprier. Sandro Botticelli, l’artiste le plus lié au néoplatonisme, en fait une version, mais c’est celle de l’illustre Raphaël Sanzio qui, connue par une gravure de Marc-Antoine Raimondi, sera la plus influente sur les siècles suivants.

Cette gravure célèbre aurait été la toute première a avoir été si largement diffusée. L’artiste a composé la scène d’après un bas-relief du IIIe siècle conservé dans le jardin d’antiques d’Andrea della Valle, vers 1510-1515. Il ajoute à la scène d’autres personnages mythologiques, dont Phébus apparaissant dans les cieux dans un arc du Zodiaque. Cette idée plaira tant aux Medicis, férus de théories mystiques, qu’ils feront ajouter au bas-relief original un arc du Zodiaque en stuc, une fois cette pièce acquise en 1584. Raimondi ajoute une légende au Jugement de Paris : « L’intellect, la force, la royauté divine apparaissent sans valeur par rapport à la forme », c’est à dire par rapport à la beauté.

Raphaël rétablit notamment le nu antique de ses personnages, une interprétation qui fera école. La version de Raphaël a en effet fixé un canon de cette scène : Pâris est assis sous un arbre, vêtu d’un bonnet phrygien, les trois déesses lui font face, nues. La scène est copiée dans de très nombreuses œuvres de toutes sortes : des tableaux mais aussi des plats, bassins, médailles, plaques de cheminées.
Les siècles suivants continueront de s’inspirer de ce thème poétique. Pierre-Paul Rubens est tant fasciné qu’il l’interprète au moins quatre fois. Le Jugement de Pâris sera interprété par des courants artistiques valorisant la tradition, tout autant que par des mouvements en rupture. En effet, le sens immémorial de cet épisode mythique touchera la modernité en quête d’absolu, comme le symboliste Gustave Moreau, ou encore l’art nouveau de Max Klinger.


Bibliographie

Timothy Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Belin, 2004

Jacques Louis David, Les Amours de Pâris et d’Hélène, 1788, tableau néoclassique conservé au musée du Louvre, détail.
Amphore du Jugement de Pâris, deuxième quart du VIe siècle av. J.-C., peinture à figures noires, Musée des beaux-arts de Lyon.
Christine de Pisan, L´Epistre d’Othea, vers 1415, Bibliothèque nationale de France, Paris.
École de Raphaël, Jugement de Pâris, dessin, musée du Louvre, Paris.
Marc Antoine Raimondi, Le jugement de Pâris, gravure d’après Raphaël, vers 1510-1515, 29,8 x 44,2 cm, Musée du petit Palais, Paris.
Léonard Limosin, Le Jugement de Pâris, 1562, Limoges, émail peint, musée national de la Renaissance, Ecouen.
Jugement de Pâris, modèle du maître IO.F.F., XVIe siècle, bronze doré, musée de Louvre, Paris.
Pierre Paul Rubens, Le jugement de Pâris, 1638-1639, Musée National du Prado, Madrid.
Gustave Moreau, Le Jugement de Pâris, 3e quart du XIXe siècle, musée Gustave Moreau, Paris.
Max Klinger, Le Jugement de Pâris, 1885-1887, toile Art Nouveau du Kunsthistorisches Museum, Vienne.