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Initié par le style Transition, le retour à l’Antiquité est définitivement consommé sous Louis XVI. Les proportions et volumes sont équilibrés, l’élégance est sobre et raffinée : après avoir abusé des lignes contournées et de l’asymétrie avec le Rococo et le style Louis XV , on retourne à la ligne droite et à la simplicité des formes. Ainsi, le Petit Trianon offert par le roi à la reine en 1774, conçu par Ange-Jacques Gabriel, est un bon exemple du style Louis XVI : son inspiration provient de l’Antiquité grecque, ses lignes sont nettement droites, mais pour autant, une certaine légèreté se dégage du bâtiment (image 1).  

Ce retour à l’Antiquité coïncide avec la découverte des ruines d’Herculanum et de Pompéi : un réel engouement naît, autour des années 1750, pour l’architecture et les décorations gréco-romaines. Un nombre considérable d’ouvrages consacrés à l’Antiquité est publié, les artistes partent à Naples étudier les objets exhumés et relever les fresques, des albums de gravures font connaître le Panthéon, les ruines ou encore les statues antiques conservées par le pape, comme l’Apollon du Belvédère ou le Laocoon (image 2,3). L'archéologue Winckelmann, défenseur inconditionnel de l'art grec qu'il définissait comme "noble simplicité et calme grandeur" inspire des générations d'artistes, d'architectes et de théoriciens de l'art comme Jacques-Louis David, Benjamin West, Lessing, Goeth et Schiller.

On retrouve dans la simplicité et les représentations « pastorales » du style Louis XVI son penchant pour la nature. Au moment où l’on achète ses premières maisons de campagne, Rousseau rédige La Nouvelle Héloïse, Bernardin Paul et Virginie, deux romans de la littérature sentimentale qui deviennent des sources d’inspiration pour les arts décoratifs. Le côté « champêtre » de l’époque est bien illustré par le Hameau de la Reine au château de Versailles, véritable village miniature et bucolique, que le roi offre à Marie-Antoinette en 1782 (image 4).

Ainsi motifs antiquisants et goût pour la nature se conjuguent dans l’architecture, la décoration intérieure et le mobilier (image 5) : les symboles rustiques et sentimentaux côtoient la rigoureuse Antiquité, sous l’influence des philosophes Rousseau et Diderot. De nombreux ornements empruntent à la flore, et cet amour pour la nature se manifeste dans la décoration par la présence de couronnes de roses, de corbeilles, de palmettes, de nœuds et rubans inspirés par le « goût au naturel », de gerbes de blés entremêlées de fleurs des champs, ou encore d’instruments de jardinage, de chapeaux bergères, ou faucilles. Ces motifs se mêlent aux références antiques tels les trophées, les feuilles d’acanthe, les frises de grecques, d’entrelacs, d’oves et de rais de cœur. Leur réussite dépend de la sensibilité de l’artiste qui doit adapter une certaine idée de l’Antiquité, qui serait source de toutes les perfections, à des bâtiments, ou meubles d’un tout autre contexte.  

L'acajou est le bois du style Louis XVI, massif ou en placage, très apprécié pour l'uniformité de sa couleur due à son grain serré ou pour les variations de ses veines et admirablement mis en valeur par un ébéniste comme Georges Jacob. L’érable, l’if, l’amarante sont autant d’autres essences qui sont mises à l’honneur. Parmi les talentueux ornemanistes et ébénistes qui défendent ce style on compte Jean Delafosse, Riesener, Weisweiler, Carlin, Leleu, Saunier ou Benneman… Les meubles ordinaires sont polis, les beaux meubles sont plaqués ou marquetés. De la collaboration entre Gouthière et Riesener, naît l’harmonieux équilibre entre le bois et les bronzes qui est à la base de la décoration de l’époque. Les couleurs criardes sont bannies des étoffes, et la broderie est remplacée par des lampas aux reflets froids. Le brillant des dorures du métal est atténué par des dorures au mat, et les plaques de Sèvres ou de Wedgwood, rectangles ou ovales, ornent les secrétaires ou les chiffonniers (image 6 et 7).

Les sièges sont nombreux, souvent moins confortables que sous Louis XV, mais plus fins et harmonieux.  
Comme plus généralement dans le mobilier de l’époque, les pieds sont en colonnette amincie à la base, cannelée, ou en spirale. La forme du dossier est rectangulaire, dite « à chapeau », ou ovale, en « médaillon », parfois ils sont ajourés pour représenter une lyre, une montgolfière ou même une corbeille. Les bureaux à cylindre, dont la partie supérieure rentre dans le meuble lorsqu’on ouvre le bureau, sont très en vogue. L’ébéniste Riesener, maître incontesté du mobilier Louis XVI, en conçoit plusieurs modèles pour le roi. La vitrine apparaît à cette époque où l’art commence à se démocratiser. L’utilisation du bronze doré est importante, et aujourd’hui cette production est une des plus cotée du XVIIIème siècle. Les pendules, ornées de personnages allégoriques et aux formes régulièrement empruntées à l’architecture - en obélisque ou encore en arc de triomphe - prennent un essor monumental afin de décorer les cheminées. Le goût pour le papier peint fait son apparition, et est diffusé par la reine et la cour pour égayer les intérieurs, sous l’égide de l’importante manufacture Réveillon, située à Paris, près de la Bastille.

La reine Marie-Antoinette, par ses nombreuses commandes, ainsi que les marchands-merciers jouent un rôle important dans le développement et la diffusion de ce style. Les marchands-merciers, à la fois antiquaires et décorateurs, sont les intermédiaires entre les riches commanditaires et les artistes : ce sont dans leurs élégantes boutiques du Louvre ou de la rue Saint-Honoré que les grands de ce monde et les financiers se rendent pour être conseillés et renouveler leur mobilier.  Les derniers achats de la reine et du comte de Condé, y étaient exposés avant d’être portés à Versailles, aussitôt, les gens à la mode s’empressaient d’acheter quelque chose de ressemblant. Faisant et défaisant la mode, c’est également tout le style qu’ils impactaient.

Petit Trianon, parc du Château de Versailles. Offert par Louis XVI à la reine en 1774, conçu par Ange-Jacques Gabriel.
L’Apollon du Belvédère, musée Pio-Clementino (Musées du Vatican). Copie romaine en marbre d'après un original grec en bronze habituellement attribué à Léocharès, sculpteur de la deuxième moitié du IVe siècle av. J.-C
Laocoon et ses fils, sculpture grecque antique conservée au musée Pio-Clementino, au Vatican, Ier – IIè siècles av JC.
Le Hameau de Marie-Antoinette, Parc du Château de Versailles, 1782.
Reconstitution d'un salon Louis XVI au Musée Nissim de Camondo, Paris. Les bergères sont de Chevigny ; la paire de meubles d'appui est de Leleu ; la garniture de cheminée a été réalisée d'après un modèle de Clodion ; tapisseries d'Aubusson d'après les Fables de La Fontaine ; cheminée en marbre de Carrare et bronzes dorés.
Jean-Henri Riesener, Secrétaire à cylindre de la reine Marie-Antoinette, 1786. Château de Fontainebleau. Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot
Jean-François Leleu (1729 – 1807), Commode, 1772, Musée du Louvre, Paris. Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier
Bureau plat par Philippe Claude Montigny, 1775, Musée du Louvre, Paris. Photo (C) RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier
Bélisaire demandant l'aumône par Jacques-Louis David, 1780. Palais des Beaux-Arts de Lille.
Portrait de Marie-Antoinette à la rose par Elisabeth Vigée-Lebrun, 1783. Château de Versailles.
Le Cabinet doré de Marie-Antoinette par Jean-Henri Riesener au Château de Versailles.
Fauteuil par Jacob, Château de Versailles
Une causeuse et un fauteuil Louis XVI.
Les caractéristiques et motifs d'ornements du style Louis XVI.