Style Autre / Ref.2742

Luigi FRULLINI - Exceptionnelle cheminée au Grand-duc en noyer sculpté

Cette extraordinaire cheminée, inspirée par les décors de la Renaissance italienne, est ornée de motifs sculptés de main de maître au service d'une thématique mêlant le Quattrocento à des figures fantastiques. Ces étonnants motifs d'animaux chimériques, enrichis par l'imagination fertile du sculpteur, sont caractéristiques du style décoratif unique de Luigi Frullini, artiste virtuose dont la sculpture abondante et très soignée est appréciée des plus grands amateurs de la fin du XIXe s. Au fronton, des dauphins cantonnent ainsi un hibou Grand-Duc posé sur des coquillages. Ce dernier domine la composition, l'air altier et le regard fier, très semblable à celui qui orne la traverse supérieure du pare-feu réalisé vers 1870-1873.

Le linteau supérieur du miroir est quant à lui orné de rinceaux d'une grande finesse, en très haut relief, habités de monstres hybrides à avant-corps de dragons et corps de grillons. On retrouve ces mêmes figures composites soutenant la base du miroir : des animaux à tête d'aigle, corps reptilien et pattes félines, sont adossés au cadre en une symétrie parfaite, la patte posée sur un globe. Le goût de Frullini pour les figures hybrides, étranges, fantastiques, est à son apogée dans les années 1873-1875 : il présente ainsi à l'Exposition Universelle de Vienne de 1873, une série de chaises et un pupitre sculptés de chimères, où l'on retrouve le même entrelacement de grillons, de dragons et de masques grimaçants.

Les piédroits de la cheminée font l'objet d'une attention particulière, sculptés en ronde-bosse et prouvant l'exceptionnelle maîtrise technique de l'artiste ; les lignes sinueuses des corps des griffons, aux espaces ajourés, apportent ainsi une grande légèreté à l'ensemble et contribuent à l'élégance de cette cheminée, rappelant les motifs sculptés du coffret présenté à l'Exposition Universelle de 1867, où il obtient la médaille d'argent. Déjà, les commentateurs de l'époque y soulignaient l'inventivité de l'artiste et plaçaient son œuvre parmi les plus « rares trésors montrés par l'Italie ».

Lugi Frullini se forme auprès de son père, Agostino Frullini, lui-même artisan sculpteur du bois, et se fait rapidement remarquer pour son habileté technique, devenant à 26 ans professeur de l'Académie des Beaux-Arts de Florence. Très érudit, il maîtrise parfaitement le vocabulaire ornemental de la Renaissance et participe activement au mouvement néo-Renaissance en Italie. Fervent admirateur de Michel-Ange et du XVe s., il contribue à ressusciter l'art florentin de la sculpture sur bois. Ses décors, élaborés dans son atelier de la via Santa Caterina, servent de modèle d’enseignement pour les élèves des écoles d’art décoratif, d'arts et métiers et de dessin. Comme le souligne Simone Chiarugi dans son ouvrage sur les ateliers toscans (Botteghe di mobilieri in Toscana, Florence, 1994), il rencontre un succès immédiat à toutes les expositions auxquelles il participe, ce qui le mène à présenter son œuvre à une clientèle plus large, lors des Expositions Universelles de 1862 (Londres), 1867 (Paris), 1873 (Vienne), 1876 (Philadelphie) et 1878 (Paris). A la suite de celles-ci, il reçoit de nombreuses commandes, notamment une garniture complète par le baron de Rothschild (branche de Vienne), ainsi que des commandes de la famille royale italienne, la cour d’Angleterre, la noblesse russe et de riches collectionneurs anglo-saxons. Son succès à l'Exposition de Philadelphie le conduit à réaliser le mobilier et le décor de la salle-à-manger et de la bibliothèque du Château-sur-Mer, maison de campagne de George Peabody Wetmore à Newport, Rhode Island.
La similitude stylistique entre les différentes œuvres de Luigi Frulli, la présence de motifs extrêmement proches ainsi que l'existence d'une étiquette mentionnant la Via S. Caterina, adresse de l'atelier de l'ébéniste, nous permettent d'affirmer que cette exceptionnelle cheminée fut sculptée par Luigi Frullini en personne.
Admirablement composée, faisant preuve d'un grand sens du dessin et d'une maîtrise technique virtuose, cette cheminée est datée autour de 1873, la meilleure période pour la production de cet artiste, que les commentateurs de l'Exposition Universelle de 1900 qualifiaient à titre posthume de « meilleur sculpteur italien ».

L'intérieur est réalisé en marbre de Campan.