Julien-Nicolas Rivart
Télécharger en PDF(1802-1867)
Ébéniste et peintre sur porcelaine important du Second Empire, Julien-Nicolas Rivart est né le 1er juillet 1802, ou plutôt le 12 Messidor de l’an X, dans le Paris de Napoléon Ier. Les débuts de sa vie n’ont pas laissé de trace, si bien que l’on suppose des années de formation dans un milieu modeste. Paris est alors ébranlé économiquement par la Révolution et les guerres napoléoniennes. Pour les ébénistes, c’est un temps de restrictions importantes imposées par l’embargo, qui favorise l’emploi d’essences locales typiques du style Restauration.
Les premières informations qui nous reviennent semblent confirmer ces débuts humbles, car on ne retrouve Rivart qu’en 1835, dans un atelier des quartiers populaires, sis au numéro 76 de la rue du Faubourg Saint-Martin. Il déménage son atelier deux fois, en 1837 au 6 rue Sanson et en 1840 au 16 rue de la Folie Méricourt, traduisant peut-être des difficultés à établir sa clientèle. De ses propres mots, ces années furent celles de « sacrifices de toute sorte », « une persévérance de vingt ans ».
C’est en 1848 qu’il met au point une nouvelle technique de marqueterie le sortant brusquement de l’anonymat. Une page de sa vie se tourne, au même moment que Louis-Napoléon Bonaparte prend les rennes du pouvoir. Le Second Empire, proclamé peu après, verra le pays se moderniser considérablement et les industries d’art prospérer. L’embargo levé, les bois exotiques refont surface pour le bonheur des manufactures de luxe.
Le 18 septembre 1849, Rivart dépose donc son brevet de 15 ans pour "un mode d’incrustation qui peut se faire dans le bois laqué ou non, le cuivre, le marbre, et toute autre pierre, ainsi que sur le velours, le cartonnage, etc". Sous ce titre général, il vise un matériau qui n’avait alors jamais été utilisé en marqueterie : la porcelaine. « Toutes les recherches qui ont été faites jusqu’à ce jour dans ce genre d’industries sont restées infructueuses et […] j’ai le premier fait cette découverte », clame-t-il dans le mémoire accompagnant son brevet. Il défendra férocement la paternité de son invention, en brevetant également toutes les améliorations ultérieures.
Grâce à ce procédé dont il a eu l’intuition, le voilà propulsé au devant de la scène des arts décoratifs. Avec sa technique, la porcelaine peut être ajoutée sans prendre plus de place que nécessaire, ne pas cacher ainsi à la vue la beauté du bois. Cette invention, dont il a défendu la propriété, lui ouvre les portes de collaborations avec des artistes importants, et d’accéder ainsi à des commandes de prestige. Le plus important sera Tahan , ébéniste de l’Empereur, mais il collabore aussi avec Alphonse Giroux . Son atelier est désormais 1, rue de Normandie, dans un quartier dynamique du vieux Paris.
Les Expositions Universelles vont être extrêmement profitables à Rivart. Il a eu son idée juste à temps pour participer à ces rendez-vous internationaux initiés par le Prince Albert à Londres en 1851. Pour cet événement historique, il bénéficie de la collaboration de Victor Paillard, sculpteur précisément chargé de superviser la statue de la Reine Victoria. Les deux artistes présentent ainsi un imposant cabinet en bois d’ébène et d’acajou, qui mettent à leur avantage la peinture sur porcelaine, ses jeux d’ombres et sa clarté. Le meuble est acheté par le duc de Caumont de La Force et reçoit seize médailles, dont le Prize medal.
Remarqué, donc, à la première Exposition Universelle, il est encensé à la deuxième, qui eut lieu en 1855 à Paris, en réponse à l’innovation anglaise. Rivart s’associe à la grande maison Tahan, et au peintre de la manufacture de Sèvres Pierre-Joseph Guérou, de près de vingt ans son cadet. La critique fait ainsi sa promotion :
« Une innovation très ingénieuse a été apportée par Rivart dans l’incrustation de meubles : elle consiste dans l’application de porcelaines peintes découpées qui forment ainsi des tableaux de fleurs et qui remplacent avec avantage, dans certains cas, la mosaïque ordinaire de bois, permettant de confier à des artistes distingués la décoration de meubles ». On souligne notamment son cabinet à trois panneaux « d’un fort bel effet artistique ».
Il expose en effet à cette importante exposition des meubles en bois de rose et de palissandre et une table en marbre noir, qui lui valent une médaille de première classe. Son stand est remarqué par le couple impérial, dont il reçoit des compliments, et l’Impératrice Eugénie de Montijo acquiert alors un serre-bijoux, aujourd’hui conservé au musée de Compiègne.
Après l’Exposition Universelle de 1855, Rivart est régulièrement sollicité pour d’importantes commandes. Ainsi, deux ans plus tard, en 1857, Tahan livre une table ornée d’incrustations de porcelaines au palais des Tuileries. En 1861, Rivart réalise une table pour le comte Charles André de Manneville, aujourd’hui à la Cité de la Céramique de Sèvres, et l’année suivante il contribue à l’aménagement de la Commission Impériale Française pour l’exposition de 1862.
À cette date, Rivart exporte 50 % de sa production. Il faut y voir l’effet des Exposition Universelles, qui lui ont donné une vitrine internationale. Il fournit notamment sa marqueterie à Frédéric Roux, un ébéniste parisien qui connaît bien le marché américain pour avoir travaillé à New-York.
Julien-Nicolas Rivart décède le 17 février 1867 sans pouvoir pu terminer les panneaux de marbre incrustés de porcelaine qu’il préparait pour l’Exposition Universelle à Paris la même année. Frédéric Roux les présente pour son compte, mais l’absence de l’inventeur est remarquée. Auguste Luchet, écrivain de sa génération, assiste à cette disparition et prédit : « On ne refera jamais ce qu’il faisait ».
Effectivement, la délicatesse du travail de Rivart pour l’incrustation de porcelaine n’a pas trouvé d’égaux à même de prendre la suite. Les meubles incrustés de marqueterie de porcelaine restent ainsi des pièces rares, témoins de l’inventivité de la seconde moitié du XIXe siècle. En 1900, l’Exposition Universelle, qui retrace le « bilan du siècle », n’oublie pas la faveur qu’avait gagné la porcelaine Rivart sous le Second Empire, en exposant une de ses tables dans le Salon Napoléon III.
Julien-Nicolas Rivart, seul à avoir réussi là où d’autres avaient échoué à réaliser une marqueterie innovante, a laissé les traces de son opiniâtreté, de sa détermination. Sûr de son habilité et de son talent, il s’est extrait de la foule et a fait reconnaître sa valeur au monde.
Bibliographie
Marc Maison et Emmanuelle Arnauld, Marqueteries virtuoses au XIXe siècle : Brevets d'invention. Rivart, Cremer, Fourdinois, Kayser Sohn et Duvinage, Dijon, Faton, 2012.
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