Pierre-Joseph Guérou
Télécharger en PDFNé en 1818.
Peintre de fleurs, Pierre-Joseph Guérou perpétue un art difficile auquel Pierre-Joseph Redouté, « le Raphaël des fleurs », avait au siècle des Lumières donné ses lettres de noblesse, à la fois par l’illustration des manuels de botanique les plus importants, et par la peinture. Classé comme un genre mineur de la peinture, le paysage devient avec les romantiques un sujet noble et grandiose. Ainsi, en 1849, George Sand avait vu Delacroix « dans une extase de ravissement devant un lis jaune dont il venait de comprendre la belle architecture » (La Revue des Deux Mondes, 1er juin 1860). La peinture de fleurs est ainsi revalorisée par cette sensibilité poétique, et envahit la décoration des intérieurs. Il n’est également pas rare que de petits marchands commandent pour leur clientèle des tableaux de fleurs à de jeunes bohèmes.
Membre de la jeunesse de 1830 qui, en France, s’était tournée massivement vers la peinture, la gravure et la littérature, Pierre-Joseph Guérou apparaît une première fois lorsqu’il n’a que 18 ans en 1836, pour avoir proposé deux aquarelles au Salon annuel de peinture, une Étude d’œillet et une Rose trémière. Guérou est en effet de la génération qui grandit dans les années romantiques, comme Théodore Chassériau ou Gustave Courbet, où règne le culte de la nature. Ainsi, il a pu vouloir suivre les pas de Simon Saint-Jean, le jeune peintre qui en 1833 avait fait grande impression avec Chapeau fleuri, fleurs et fruits, une nature morte où un bouquet de fleurs était mis en scène dans un paysage.
Doué dans la reproduction des fleurs, Guérou a vraisemblablement gagné sa vie comme peintre de porcelaine pendant une dizaine d’années, pour finalement être employé par la célèbre Manufacture de Sèvres comme « peintre de fleurs » entre 1847 et 1848. Loin de n’être réservée qu’à des talents secondaires, les ateliers de porcelaine accueillaient les pinceaux les plus prometteurs, comme ce fut le cas d’Auguste Renoir employé de Lévy Frères dans sa jeunesse.
L’année 1849, Guérou envoie deux peintures sur porcelaine au Salon annuel du Palais des Tuileries, Bouquet de fleurs et Fleurs et fruits. L’exposition ouvre le 15 juin, et c’est peut-être là que Julien-Nicolas Rivart y prospecte pour trouver un collaborateur en décoration de porcelaine. Ce dernier dépose en effet le 18 septembre suivant un brevet pour une méthode inédite d’incrustation de porcelaine dans le bois et tous autres types de matériaux. Peu après, Pierre-Joseph Guérou est son collaborateur dans une entreprise audacieuse et couronnée de succès, les porcelaines Rivart jouissant d’un grand enthousiasme.
Il signe notamment les fleurs qui ornent le serre-bijoux de l’Impératrice Eugénie, acheté après l’Exposition Universelle de 1855, et conservé aujourd’hui au Musée National du Château de Compiègne. En 1852, il peint les incrustations d’une table conservée au Musée Murska Sobota (Slovénie), puis en 1853, celles qui seront incrustées par Tahan dans un impressionnant bureau plat, entré dans la collection de la Galerie Marc Maison. La Galerie contribue en effet, dans une recherche continue, à repérer ses différentes contributions aux incrustations de porcelaines Rivart, et a également identifié sa signature sur une paire de meubles d’appui, signés de 1854.
On devine le peintre Guérou absorbé dans les années 1850 par l’aventure Rivart, dans laquelle il mît à profit son art, passant subitement du statut d’employé de Sèvres à celui d’artisan au service de Sa Majesté impériale. Sans trace de lui à Sèvres après 1848, et ne connaissant pas d’autre peintre signant les incrustations de Rivart, Pierre-Joseph Guérou a de fortes chances d’être le peintre d’une très grande partie, peut-être la totalité, des incrustations de porcelaine.
Pour Rivart et Guérou, les fleurs de porcelaine, ont certainement un intérêt poétique, oxymorique, qui explique leur omniprésence. Avec le procédé Rivart et le pinceau délicat de Guérou, ces décorations innovantes immortalisent l’œuvre éphémère de la nature. Aussi, Guérou, quant à lui, profitera de son expérience avec Rivart pour revenir au Salon chaque année entre 1863 et 1866, avec des peintures de fleurs sur porcelaine. En 1863, il expose Fleurs et fruits, puis Fleurs d’après Saint-Jean en 1864. Enfin, en 1865 et 1866, il revient à ses premières amours avec deux aquarelles, Fleurs et fruits, et Pivoines, démontrant par là son attachement personnel à ces joyaux de la nature, en authentique peintre du XIXe siècle.
Bibliographie
Marc Maison and Emmanuelle Arnauld, Marqueteries virtuoses au XIXe siècle : Brevets d'invention. Rivart, Cremer, Fourdinois, Kayser Sohn et Duvinage, Dijon, Faton, 2012.