Style Louis XV / Ref.14892

François LINKE (1855-1946) et Léon MESSAGÉ (1842-1901) (attribué à), « La Mer », Encrier en bronze doré

Ce très bel encrier de style Rocaille est attribué à la Maison Linke, tenue par l’ébéniste François Linke en collaboration avec le sculpteur et ornemaniste Léon Messagé, dans le dernier quart du xix^e siècle. Réalisée en bronze doré, cette pièce adopte les formes mouvementées du xviii^e siècle issues du style rocaille (voir le style Louis XV ), dont Linke et Messagé étaient spécialistes. L'encrier est ainsi composé de deux réservoirs à encre dont les couvercles prennent la forme de coquillages, un triton à bosse à droite et une gibbule neigeuse à gauche. D’ailleurs, le terme « rocaille » désigne, à l’origine, les grottes artificielles, lesquelles contenaient des imitations de coquillages. La forme générale animée de l'encrier est agrémentée de motifs décoratifs participant de ce vocabulaire : une coquille renversée se trouve sur la partie haute de l'objet tandis que ce même motif se retrouve sur la partie plane de ce dernier. Le traitement asymétrique de ces différents ornements est propre au style rocaille.

Léon Messagé est né le 8 mars 1842 à Sens, dans l’Yonne. À 20 ans, il habite à Paris, au 23 rue de Rivoli et est alors référencé comme « sculpteur sur pierre ». Vers 1885, il commence à collaborer avec François Linke, ébéniste important de la Belle Époque, lui fournissant des modèles pour le mobilier et les bronzes d’ornement. François Linke (1855-1946) reste, lui, aujourd’hui très connu pour ses meubles parfois étonnants, et toujours d’un luxe extrême, où bois et bronze doré se mettent réciproquement en valeur. Il a certainement été le fabriquant de meubles français le plus couru de la fin du xix^e siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, révélé lors de l’Exposition de 1900.

Ils collaborent jusqu’à la mort de Messagé, survenue à l’âge de 58 ans le 16 mai 1901. C’est grâce à cette collaboration avec François Linke, que Messagé connaîtra le succès au cours des dernières décennies du xix^e siècle. En effet, Messagé est récompensé par une médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1889 et c’est lui qui conçut tous les meubles importants du stand de François Linke pour l’Exposition Universelle de 1900. Lors de cette même exposition, on pouvait observer, toujours sur le stand de François Linke, un encrier spécialement conçu par Messagé pour l’événement.

Ce dernier est illustré dans l'ouvrage de Christopher Payne, François Linke, The Belle Epoque of French Furniture (p. 149). On y retrouve notamment la même forme générale et le motif d’eau tombant en cascade sur le devant de l’encrier. Un deuxième encrier reproduit par Christopher Payne présente un motif de végétaux très proche de celui qui parcourt notre encrier. Notons aussi que Messagé, s’il réutilise une forme générale pour ces trois objets, tient manifestement à réaliser des supports et des motifs différents pour chacune de ses pièces.

S’il a beaucoup travaillé pour Linke, Messagé est toujours resté un artisan indépendant, œuvrant pour son propre compte. Dans son atelier situé au 40 rue Sedaine, dans le 11^e arrondissement de Paris, il était donc le concepteur et le créateur de ses modèles. Le principe fondamental du dessin de Messagé est un rococo léger, une asymétrie caractéristique du rocaille que les artisans parisiens ont développé dans les années 1720 et qu'il su réinventer en une création nouvelle. Cet encrier est un bon témoignage de ce dessin mouvementé et du style propre à Léon Messagé . Bien que l'encrier ne soit pas signé par lui, il ne fait aucun doute que celui-ci soit bien de sa main. La parenté avec l'encrier de l'Exposition Universelle de 1900 est à cet égard plus que probante. De plus, dans son Cahier des dessins et croquis Style Louis XV, publié en 1890, on retrouve le croquis d'un encrier, extrêmement proche de celui que nous vous présentons ici.